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Promotio Iustitiae
At the service of Faith that does Justice   


Un engagement pour la visibilité

Uta Sievers

Quelques impressions extraites du discours du Père général aux Coordinateurs de l'Apostolat social

 Cette année, le discours du Père général aux Coordinateurs portait en son cœur la question : La Compagnie de Jésus s'éloigne-t-elle des pauvres ? L'idée avait été suggérée au cours de nos discussions et avait suscité quelque inquiétude au sein du groupe.

     Le Père général a observé qu'un cercle d'invisibilité conduit de moins en moins de jeunes jésuites à choisir de vivre et de travailler avec et parmi les pauvres. C'est un fait généralisé qu'il y a aujourd'hui moins de jésuites dans tous les apostolats. Ce manque général est une des raisons pour lesquelles les Communautés d'insertion qui constituent le mode le plus propice d'« être avec » les pauvres et marginalisés, sont souvent petites, et sont les premières à être fermées lorsqu'une province décide de consolider ses communautés ; la fermeture d'une communauté d'insertion possède une histoire qui ne sera pas transmise à la génération suivante de jésuites1. En même temps, moins de jésuites choisissent de vivre dans des communautés d'insertion et les provinciaux savent qu'ils ne peuvent pas imposer aux personnes ce mode de vie « difficile ». Pourquoi les provinciaux le considèrent-ils comme difficile ? Cela peut s'expliquer par le fait que quelle que soit la force de la motivation initiale fondée sur l'appel évangélique à être avec les pauvres, celle-ci est accompagnée par le souhait de ne pas perturber d'autres processus tels que la formation ou les études universitaires. Deuxièmement, (et c'est là la principale cause de la rareté de nouveaux visages dans les communautés d'insertion), à mesure que nous-mêmes avançons dans l'apostolat social, nous nous impliquons auprès des pauvres au point de perdre contact avec les scolastiques. Néanmoins, tout n'est pas perdu. Dans les endroits où l'apostolat social a trouvé une manière visible de vivre parmi les pauvres, où nous sommes restés en contact avec les scolastiques, de jeunes jésuites choisissent en effet ce mode de vie.

     Le Père général a ensuite partagé avec nous quelques idées sur ce que nous, en tant que personnes engagées dans l'apostolat social, pouvons faire. Une de ses préoccupations principales est le besoin de nous protéger du virus du succès : travailler avec les pauvres ne sera jamais un « succès », nous ne remporterons pas de succès au sens profane. Nous devons bannir l'idée de succès de notre manière de penser, de notre mentalité, de nos valeurs - cela est valable pour toute la Compagnie de Jésus, mais particulièrement pour l'apostolat social. Selon la vision du Père Nicolás de la Compagnie de Jésus, il est important de vivre dans la simplicité avec les personnes quel que soit le milieu, pastoral, académique ou autre. Cette vaste expérience d'engagement inspirera les jeunes plus qu'un travail exclusivement de justice sociale, qui pourrait donner l'impression que si l'on travaille avec les pauvres, on ne peut servir d'une autre manière. Dans le même ordre d'idées, il a appelé à se méfier de la mentalité du « tout ou rien » dans l'apostolat social, puisqu'une vision puriste de la justice sociale suscitera des admirateurs, mais non des disciples. Nous devons plutôt planifier ce travail soigneusement ; nous devons planifier notre temps libre, nos études, notre service d'une façon interdépendante et pertinente. Enfin, et ce n'est pas la moindre suggestion, si nous nous faisons des amis parmi les pauvres, nous n'aurons jamais l'impression de nous « éloigner » même si nous changeons de mission.

     Le Père Nicolás a également abordé la question de nos rapports avec nos institutions, particulièrement celles qui ont une longue tradition jésuite. Il a clairement indiqué que l'attachement est l'une des plus grandes faiblesses de nos ministères traditionnels. Nous nous attachons à nos « créations » et nous avons beaucoup de difficulté à nous retirer des bonnes œuvres que nous dirigeons. Entre-temps, infectés par le virus du succès, nous tuons pour ainsi dire des jésuites à qui nous confions jusqu'à cinq tâches différentes. La mobilité est essentielle à notre charisme. Nous devons donc apprendre une nouvelle manière de discerner, de passer le relais et d'avancer. Par exemple, lorsque nous inaugurons une école, nous devrions immédiatement préparer nos collaborateurs laïcs de façon à leur confier l'œuvre dans un délai de 15 à 30 ans maximum. Il a également souligné le fait que la baisse du nombre de jésuites est compensée par le nombre croissant de laïcs compétents qui souhaitent travailler avec nos institutions. Cela nous donne la liberté de rêver encore, d'être créatifs, flexibles et mobiles. Il nous a encouragés à considérer nos institutions comme nos enfants : laissons-les partir, qu'ils se marient et poursuivent leur propre route.

 1Pour lire les histoires de communautés actives d'insertion consulter Promotio Iustitiae 100 :  http://www.sjweb.info/sjs/pj/

 



 
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